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Origines africaines de l'âne domestique

Origines africaines de l'âne domestique

L'histoire et l'origine de l'âne sont particulièrement intéressantes car comme le cheval, il a été très tôt utilisé pour le transport des individus et de leurs biens. Sa domestication a permis aux hommes de s'affranchir de la vie sédentaire et a favorisé les échanges et le commerce. Des données archéologiques égyptiennes indiquent que l'âne était domestiqué il y a environ 5000 ans. Mais la localisation précise des premières domestications de cet animal reste un mystère… Des études génétiques réalisées par des chercheurs du CNRS du Laboratoire d'écologie alpine viennent de montrer que c'est en Afrique du Nord-Est que l'âne aurait été initialement domestiqué. Ces travaux sont publiés dans la revue Science datée du 18 juin 2004.

L'équipe du CNRS a recherché l'origine de l'âne domestique en effectuant des prélèvements biologiques sur 427 animaux domestiques, dans 52 pays de l'Ancien Monde. Les chercheurs ont analysé pour chaque individu une séquence précise de l'ADN mitochondrial[1]. Des séquences de la même région ont également été étudiées chez des ânes sauvages d'Afrique de l'Est et d'Asie du Sud-Ouest, des régions où sont apparues les domestications de nombreux animaux. Les chercheurs ont étudié les deux sous-espèces de l'âne sauvage africain (Equus africanus africanus, âne sauvage de Nubie et Equus africanus somaliensis, âne sauvage de Somalie) et les deux espèces d'ânes sauvages asiatiques (Equus hemionu, âne sauvage d'Asie et Equus kiang, âne sauvage du Tibet).

L'analyse phylogénétique a révélé chez les ânes domestiques deux lignées qui auraient divergé entre 300 000 et 900 000 ans, c'est-à-dire bien avant leurs domestications. Ces résultats suggèrent donc qu'il existe deux origines maternelles distinctes pour l'âne domestique. Pour en connaître l'origine, les chercheurs ont comparés ces séquences d'ADN avec celles obtenues chez les ânes sauvages asiatiques et africains.

« Cette comparaison exclut sans aucun doute une origine asiatique. En revanche, l'une des deux lignées d'âne domestique est extrêmement proche de l'âne sauvage de Nubie, et l'autre se rapproche de l'âne sauvage de Somalie. Il est donc légitime de penser que la domestication de l'âne s'est produite uniquement en Afrique, et qu'il y a deux origines africaines à cette domestication » commente Pierre Taberlet, le directeur du Laboratoire d'écologie alpine. Cette hypothèse est de plus confirmée par le fait que le niveau de polymorphisme est bien plus élevé en Afrique du Nord-Est (Egypte, Soudan, Somalie, Ethiopie, Erythrée) que partout ailleurs dans l'Ancien Monde. En effet, on sait que plus l'on est proche d'une zone de domestication, plus les espèces sont diversifiées.

Des études phylogénétiques réalisées précédemment pour la chèvre, le mouton, le cochon, la vache ou le cheval montrent que la pratique de la domestication des animaux sauvages est apparue en Asie du Sud-Ouest dans le Croissant Fertile il y a 10 000 ans. Ces travaux démontrent ainsi que l'âne est la seule espèce d'ongulé à avoir été domestiquée uniquement en Afrique du Nord-Est. Apparue il y a 5000 ans, sa domestication pourrait être une réponse à la désertification du Sahara, survenue également il y a 5000 à 7000 ans. Les populations pastorales qui vivaient dans cette région ont du se déplacer plus fréquemment pour rechercher des sources d'eau et de la verdure pour leurs animaux, ce qui a pu les inciter à domestiquer de nouveaux animaux, comme les ânes.

 Ces résultats pourraient stimuler et orienter des recherches visant à retrouver les preuves archéologiques de la domestication de l'âne en Afrique du Nord-Est. Paris, 18 juin 2004

1] L'ADN mitochondrial est transmis uniquement par les femelles lors de la fécondation et contient beaucoup d'informations sur de courtes séquences. Il permet de réaliser des études phylogénétiques fiables.

Références :

African Origins of the Domestic Donkey, Albano Beja-Pereira, Phillip R. England, Nuno Ferrand, Steve Jordan, Amel Bakhiet, Mohammed A. Abdalla, Marjan Mashkour, Jordi Jordana, Pierre Taberlet, Gordon Luikart – Science, 18 juin 2004.

Contacts chercheurs : Albano Beja-Pereira et Pierre Taberlet / Laboratoire d'Ecologie Alpine

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